Ontologie, qu'entendez-vous par là :
Nous utilisons dans notre livre ce terme pour désigner la philosophie de nos relations à la Nature.
Dans son livre, "Par-delà Nature et Culture", Philippe Descola définit quatre grands types d'ontologie:
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le naturalisme
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le totémisme
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l'animisme
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l'analogisme.
Le naturalisme est le mode de pensée occidental et se révèle aujourd'hui comme la philosophie dominante autour de la planète. Afin de ne pas induire de confusion avec les naturalistes, observateurs et protecteurs de la Nature, nous emploierons plutôt le terme d' "ontologie occidentale".
Cette forme de pensée a largement contribué positivement à fonder notre démarche scientifique, à lutter contre l'arbitraire et l'obscurantisme. Elle fut malheureusement dévoyé vers le productivisme, vers une exploitation insensée des ressources naturelles.
Ontologie occidentale ou "naturalisme"
L'ontologie occidentale, nos relations à la Nature ont trois origines, trois corps de pensée qui ont forgé notre inconscient depuis plusieurs millénaires :
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le mythe de Prométhée
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la Bible
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le siècle des Lumières.
Dans le mythe de Prométhée, l'humanité apparait à travers ses peurs de la Nature. Nous sommes toujours au fond de nous-mêmes inquiets par les forces qui nous dépassent. Nous ressentons souvent la nature sauvage comme un monde hostile, apparemment inorganisé, incontrôlable, peuplé d'espèces maléfiques. Séismes, foudre, inondations, raz-de-marée... autant de cataclysmes naturels qui ont laissé des traces dans notre imaginaire.
Oui, notre relation à la Nature est ambigüe : nous la recherchons comme apaisante, mais nous cherchons à la domestiquer, à la façonner à notre image... rationnelle .
Face à ce désarroi de l'Homme, Prométhée lui a donné la science du feu, Zeus le savoir... et l'Humanité était dorénavant dotée pour passer du statut de victime à celui de dominateur.
La Bible a assis le droit et même le devoir pour les hommes d'avilir la Nature, de la mettre intégralement à son service. Par la même, elle a déclaré la guerre à la Nature et instauré le mépris de l'Homme envers les espèces animales et végétales, en particulier sauvages. Accessoirement, cette ontologie a incité les hommes a conquérir tous les lieux habitables et à s'y multiplier. L'ordre a été exécuté, et comment, pour conduire à l'Impasse Evolutive actuelle.
Mais la Bible, le Coran, la Thora ne seraient rien aujourd'hui sans une caution scientifique, sans une morale laïque. Le "Siècle des Lumières" fut la troisième bifurcation. Rousseau était tout proche de nous fournir une ontologie moderne. Mais, il semble avoir reculé dans un contexte historique défavorable. Il était déjà bien difficile d'asseoir, fort heureusement, les Droits de l'Homme, alors la généralisation n'était pas atteignable. Le productivisme libéral ou socialiste ont prospéré, laissant derrière eux des champs de ruine... mais aussi quelques pépites qu'il n'est pas question de rejeter...
Pourra-t-on fonder une nouvelle ontologie basée sur les principes de la pensée occidentale tout en empruntant aux peuples amérindiens la notion de frugalité, de respect de ce que la Pachamama, la Terre-Mère, met à notre disposition.
Clairement c'est l'objet d'une partie essentielle de ce livre. Revisiter ces trois grandes bifurcations, comprendre comment elles nous ont amené dans cette impasse. Reprendre à notre compte les acquis fondamentaux des Lumières mais en généralisant le propos pour asseoir un droit plus général, plus ambitieux que le seul droit humain.